Même si l’on a découvert ce jeune DJ de vingt-quatre ans avec le titre Night & Day, il avait déjà sorti plusieurs chansons qu’on pouvait entendre sur la toile. La maturité de son propos et l’intelligence de ses textes en ont rapidement fait l’un des plus sûr talent en devenir à sortir récemment de la Martinique. Depuis quelques mois, on peut se procurer son premier album intitulé Mots Pour Maux.
Comment t’est venue l’idée de ton pseudo ?
Paille : Cela fait dix ans qu’on me surnomme comme ça. C’est venu en 1997 durant le carnaval de Sainte Luce où j’ai eu un petit accident alcoolisé. Il existe une expression chez nous qui dit «être en paille» lorsque l’on a dépassé le seuil d’alcoolémie autorisé par la loi (sourire). Et le chapeau, je l’ai depuis la même époque, c’est une sorte de démarche d’autodérision. Mon approche artistique requiert forcément une forme d’humilité et j’ai juste voulu trouver un surnom authentique et qui me ressemble.
Tu es issu de Sainte-Luce, une commune frontalière à celle de Rivière-Pilote, un endroit d’où sont issus pas mal de DJ’s comme Straïka, Guy-Al-MC etc.
P : J’ai la chance de me trouver entre deux générations d’artistes. Lorsque j’étais petit, je me souviens avoir entendu des K7 de sound systems avec Straïka, Pleen ou Daddy Nuttea. Il est difficile de galvauder cette musique surtout lorsqu’on a eu dès le départ des exemples aussi intéressants et avec des messages aussi conscients. Ensuite, ce sont des gens comme Metal Sound, Indika Sound System ou MC Janik qui m’ont donné envie de passer derrière un micro. J’aimais beaucoup leur façon de trouver des tournures de phrases si intéressantes et originales.
Au départ, quelles sont tes influences musicales ?
P : En tant que Caribéen, le dancehall est une musique qui a bercé toute ma jeunesse, ce qui ne m’empêche pas d’écouter aussi des gens comme Brassens, Brel, Kaly ou Kassav. L’important est qu’un morceau puisse me toucher.
Comment définirais-tu ton style ?
P : Je chante tout simplement comme j’ai envie. J’évite de me demander si ce que je fais va plaire ou pas au public. Dans mes chansons, j’adore faire des clins d’œil à la variété française ou à notre bagage culturel antillais. C’est une façon de faire un lien avec ce qu’ont réalisé nos aînés. Nous ne sommes pas que des petits sauvageons qui essayent de parler vite derrière un micro (sourire). Humblement et à ma façon, j’ai envie d’apporter quelque chose de différent à la musique.
Vu de métropole, on a l’impression qu’il existe un véritable renouveau en ce qui concerne les artistes dancehall en provenance de Martinique…
P : C’est tout à fait vrai. À un certain moment, les artistes guadeloupéens, qui sont depuis toujours dans une démarche plus identitaire que nous, ont réussi à bien se structurer et à développer leur propre identité. Ils ont forcément fait de l’ombre aux DJ’s martiniquais. C’est un fait qui nous a permis de nous remettre en question. Grâce à cela et au fur et à mesure, les artistes martiniquais ont sans doute réussi à se créer une nouvelle solidarité et un esprit neuf.
Tu fais aussi parti des artistes qui continuent leurs études en même temps que leur carrière musicale ?
P : Les artistes qui ont été là avant nous ont déblayé le terrain, c’est grâce à eux que le reggae s’est autant développé. De mon côté, le fait de continuer mes études me permet tout d’abord de bien garder les pieds sur terre et ne pas perdre de vue une certaine réalité. Ensuite, au-delà de l’aspect musical, il est important de continuer mes études parce que dans le futur, on aura besoin de personnes pour développer au mieux la société Antillaise.
Il y a aussi un de tes titres qui tourne beaucoup sur le net c’est Pa Fe Nous Chie, peux-tu nous en dire plus sur ce morceau ?
P : Fin 2005, j’ai un copain qui a été tué bêtement par un autre pour une histoire à la con. Je trouve qu’il est trop facile de dire que c’est uniquement à cause de la société. Quelque part, lorsque tu fais le badman, tu joues le rôle qu’on veut t’attribuer. Il était important de dire que ces sauvageons nous font chier avec leur attitude. Un véritable badman finira toujours à la morgue ou en prison et personne ne le regrettera...
J’ai aussi entendu ton titre Baisse Zie Ba Yo sur le ‘Boulbi riddim’qui aborde un thème malheureusement toujours d’actualité… Le second complet est en français, c’est pour que tout le monde puisse te comprendre ?
P : Le texte de ce morceau est inspiré d’une histoire qui m’est arrivée. En prenant l’avion pour aller à Montpellier, en 2006, je me suis véritablement trouvé en face d’une dame qui nous a dit ce qu’on entend sur l’intro du titre : même si les places à côté d’elle étaient libres, elle ne voulait absolument pas qu’on assoit là. J’aurais pu réagir comme un homme de Cro-Magnon et l’insulter, mais c’était quelque part donner du crédit à une personne qui n’en mérite pas… Ce n’est malheureusement pas un acte si isolé que ça, c’est ce genre d’incivilité qui fait qu’on se sent parfois assez mal. On est toujours le cul entre plusieurs chaises : sommes nous Français, Antillais, Africains ou les trois à la fois ? C’est une question qui se pose. Je me suis dit qu’il serait intéressant de faire un morceau sur ce thème. Au final, je pense que nous sommes issus d’un mélange, le résultat d’un melting pot et il n’y a aucune honte à avoir. On va donc regarder la société française droit dans les yeux et on va lui dire qu’on existe et qu’on a aussi notre mot à dire. À nous de trouver notre place. Ce n’est évidemment pas un hasard si le second couplet est en français : il faut qu’un maximum de gens puisse comprendre ce que j’ai à dire.
jeudi 28 février 2008
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